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    Novembre 2015
    Charles-Albert PESNELLE
    Marion

    L'oeuvre du mois de novembre 2015

    Charles-Albert PESNELLE (1849-1928)
    Marion
    Huile sur toile, 1887
    112 x 183 cm
    Don Mme Albert Pesnelle, 1929
    Inv. 929.2

    La scène se déroule dans une chambre à coucher mais le cadrage reste limité à l’espace intérieur du lit à baldaquin dont les rideaux en velours sont ouverts du côté du spectateur. Le couvre-lit, du même tissu que les rideaux, est en partie repoussé au pied du lit, laissant apparaître sa doublure de soie rose pâle.

    Dans l’intimité de cet écrin, une femme jeune et gracile dort entièrement nue. Sa position lascive tout en courbes et contre-courbes répond à la sensualité des tissus. Couchée sur le côté droit, elle s’offre totalement au spectateur. Chaque détail de sa pose exprime la volupté : son déhanchement est accentué par l’affaissement de son épaule supérieure, sa main gauche met en valeur la rondeur de son sein... Sa tête et son torse reposent sur un énorme oreiller orné de délicates dentelles. Les yeux clos, elle tourne la tête vers nous, couronnée par sa chevelure dont le blond vénitien réveille l’extrême pâleur de son corps. La pose et le traitement velouté de la carnation sont tout à fait dans la veine d’Alexandre Cabanel (1823-1889), qui assura la formation de Pesnelle.

    Autour de son avant-bras et de sa main droite, tel un serpent, s’enroule un riche chapelet en or, terminé par une croix. Le peintre a traité cet objet avec une touche différente, en relief, qui donne à l’émeraude, aux rubis et aux perles disposés à intervalles réguliers une réalité matérielle surprenante.

    À droite, à peine visible dans l’obscurité et coupé par le cadre, on distingue, autour de la colonne du baldaquin, le bras replié d’un homme vêtu d’une veste sombre.

    Pour peindre cette scène, Pesnelle s’est inspiré de l’histoire de Rolla, imaginée par Alfred de Musset (1810-1857) en 1833. Le poète y conte l’histoire de Jacques Rolla, le plus grand débauché de Paris. Il y aborde des sujets qui lui sont chers : l’affrontement entre la pureté et la corruption, la situation pathétique de l'enfant du siècle abandonné des dieux et sans autre raison de vivre que la quête d'une illusoire beauté. Pesnelle illustre le poème avec une grande fidélité. La jeune femme représentée ici est une prostituée et tout dans le décor suggère une nuit de plaisir : l’alcôve aux précieux tissus, les draps défaits et la pose alanguie de la jeune fille. Rolla est l’homme caché dans l’ombre :

    "Rolla considérait d’un œil mélancolique
    La belle Marion dormant dans son grand lit ;
    Je ne sais quoi d’horrible et presque diabolique
    Le faisait jusqu’aux os frissonner malgré lui.
    Marion coûtait cher. – Pour lui payer sa nuit,
    Il avait dépensé sa dernière pistole."

    Ruiné, Rolla décide de se suicider dans la nuit. Il ne peut affronter le déshonneur que lui réserve une société hypocrite qui fustige les prostituées mais dont les "mères de famille" cachent "un amant sous le lit de l’époux". À travers Rolla, Musset tente le portrait d'une génération empêtrée dans ses contradictions et qui finit par croire que, le bonheur devenu impossible, il ne reste que l'ivresse ou le suicide. Pesnelle réussit à transcrire ce malaise en faisant en sorte que Rolla ne soit déjà plus qu’une ombre et, surtout, en mettant le spectateur en position de voyeur/consommateur dans la maison close.

    La même scène a été peinte par Henri Gervex (1852-1929) en 1878.
    Ce tableau est aujourd’hui conservé au Musée d’Orsay à Paris
    (Rolla, inv. LUX 1545).

     


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  • Octobre 2015
    Le Christ devant Pilate

    L'oeuvre du mois d'octobre 2015

    École champenoise ?
    Le Christ devant Pilate
    Bois, vers 1530 ?
    l. 30 cm ; H. 35 cm ; P. 10 cm
    Provient de l'église Saint-Antoine, Bar-le-Duc
    Inv. 990.1.82

    L’épisode est repris de l’Évangile de saint Matthieu : « Et Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que plutôt il s’élevait un tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, disant : Je suis innocent du sang de ce juste ; vous, vous y aviserez » (Mt, 27,24). Le gouverneur de Judée se dédouane ainsi du choix de la foule de libérer Barabbas plutôt que Jésus.

    La scène montre Jésus devant Ponce Pilate, représentant de l’empereur Tibère en Judée. Celui-ci détient l’ultime pouvoir de vie ou de mort sur le condamné. Le Christ, à droite, est poussé par des soldats, les mains liées et couronné d’épines. Face à lui, Pilate est assis sur un trône. Un serviteur lui verse de l’eau sur les mains.

    L'oeuvre du mois d'octobre 2015

    Martin Schongauer(vers 1445-1491)
    Le Christ devant Pilate
    Gravure au burin, 1475-1480
    Paris, Bibliothèque nationale de France

    La composition de ce relief est très proche d’une gravure de Martin Schongauer sur le même sujet et datée vers 1475-1480. La partie gauche de la sculpture, en particulier, est directement reprise de l’œuvre du maître alsacien. Pilate y est représenté dans la même position, sur un trône orné de plis de serviette. L’action de se laver les mains provoque chez lui une légère contorsion. Ses vêtements (chapeau, manteau, chausses) sont légèrement modifiés par rapport à la gravure. La perte de la polychromie, et par conséquent de nombreux détails, fausse notre perception et augmente certainement la distance entre la gravure et son exécution en trois dimensions. Le traitement délicat des figures dénote une approche psychologique certaine. Ainsi, les figures tordues et courbées des soldats et de Pilate contrastent avec la figure humble, mais néanmoins dressée de Jésus.

    L'oeuvre du mois d'octobre 2015

    École champenoise
    Jésus-Christ devant Pilate (détail du retable)
    Bois poychrome, vers 1530
    Mognéville, église Saint-Rémi
    Photo : Michel Petit

    Ce relief doit également être rapproché du retable de l’église Saint-Remi de Mognéville (Meuse), daté vers 1530 et identifié comme une œuvre champenoise. La comparaison de ces trois œuvres témoigne de la circulation des modèles autour de 1500 dans les ateliers du Nord de l’Europe.

    La provenance indiquée dans l’inventaire du Musée barrois - église Saint-Antoine de Bar-le-Duc - suggère une présence ancienne de cette sculpture dans la ville et donc une production locale. Il est également tentant de penser qu’elle faisait partie d’un retable plus important, à l’image de celui de Mognéville. En comparant les deux, il paraît vraisemblable de leur attribuer la même origine géographique.

     

    Texte d’après le catalogue de l’exposition L’Art et le modèle. Les chemins de la création dans la Lorraine de la Renaissance, Bar-le-Duc, 2013

     


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  • Septembre 2015
    Portrait du Maréchal Oudinot
    d'après Robert LEFEVRE

    L'oeuvre du mois de septembre 2015

    D’après Robert LEFEVRE (1755-1830)
    Portrait du Maréchal Oudinot
    Huile sur toile, seconde moitié du XIXe siècle
    132 x 99 cm
    Inv. 962.2.1

    Ce portrait ovale montre Nicolas-Charles Oudinot (1767-1847), duc de Reggio. Il est représenté sur le champ de bataille, décoré des insignes du maréchalat (costume et bâton dans la main droite) et des plaques de quelques-uns des principaux ordres dont il était dignitaire : le grand aigle de la Légion d’honneur, la couronne de fer, l’aigle noir de Prusse, un des grands ordres de Russie, etc.

    Né à Bar-le-Duc en 1767, Oudinot connaît une ascension exceptionnelle au sein de l’armée. Après un premier engagement dans le régiment de Médoc-infanterie, il devient commandant du 3e bataillon des volontaires de la Meuse. À 32 ans, il devient général de division et participe à de très nombreuses batailles napoléoniennes. Afin de récompenser son héroïsme et sa bravoure, Napoléon, qui l’avait surnommé « le Bayard de l’armée française », le fait maréchal après la bataille de Wagram en 1809 et lui attribue le titre de duc de Reggio.

    Sous la Restauration, Oudinot devient pair de France, gouverneur des Invalides et Grand Chancelier de la Légion d’Honneur. Il meurt à Paris le 13 septembre 1847, où il est enterré aux Invalides.

    L'oeuvre du mois de septembre 2015

    Robert LEFEVRE, Portrait du Maréchal Oudinot
    Huile sur toile, 1811-1812
    214 x 140 cm
    Musée national du Château de Versailles, inv. MV 1157

     

    Ce portrait est une copie du Portrait du Maréchal Oudinot commandé en 1811 par Napoléon à Robert Lefevre pour orner la salle des maréchaux au Palais des Tuileries, avant d’être transféré au château de Versailles où il est encore conservé aujourd’hui. Comme son pendant représentant la maréchale Oudinot, il a été commandité par les descendants du modèle spécialement pour l’hôtel de ville. En effet, lorsque la municipalité de Bar-le-Duc acquiert l’ancien hôtel particulier du maréchal en 1868, elle émet le souhait de pouvoir y présenter un souvenir de l’ancien maître des lieux.

    L'oeuvre du mois de septembre 2015

    Portrait de la Maréchale Oudinot
    Huile sur toile, entre 1850 et 1858
    150 x 127 cm
    Inv. 962.2.2

    Dans le portrait d’Eugénie de Coucy, seconde épouse du Maréchal Oudinot, outre ses armoiries au premier plan, on peut distinguer à l’arrière, posée sur la commode, la réduction de la statue qui fut réalisée par Jean-Baptiste Debay pour la place Reggio en 1850. Cette statue, les fleurs violettes de la coiffure et la robe noire du deuil expriment la dévotion portée par la maréchale à son mari défunt. L’ensemble de ces éléments permet également de dater l’œuvre après 1850.

     

    Une autre copie du tableau de Robert Lefevre est exposée dans le salon des maréchaux de l’hôtel de ville, réalisée par A. Schilt.


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    Charles-Laurent MARÉCHAL,
    dit MARÉCHAL DE METZ
    (Metz, 1801 - Bar-le-Duc, 1886)

    Galilée

    L'oeuvre du mois d'août 2015

    Fusain sur assemblage de papiers blanc et crème
    contrecollé sur carton marouflé sur toile, vers 1885
    57,2 x 93,5 cm
    Inv. 989.3, acquis avec l’aide du FRAM

     

    Il s’agit d’une étude pour le Galilée présenté avec succès à l’Exposition universelle de 1855 (localisation inconnue). Le dessin, dont le format semble avoir été modifié (ajouts de papiers de couleurs différentes), est un document de travail sur un thème qui paraît fort intéresser son auteur. Le musée possède également un fusain représentant Galilée devant le tribunal de l’Inquisition (inv. 989.39) et une Tête de Galilée (inv. 905.6.1). L’exposition des œuvres de Maréchal qui se tint en 1930 à Metz montrait aussi plusieurs représentations de Galilée. De fait, il semble que l’artiste ait voulu créer une série des « grands incompris » (Galilée dut abjurer devant l’Inquisition en 1633) dont faisait partie le gigantesque pastel Christophe Colomb mort dans sa prison que le musée possède (inv. 989.31). La noblesse de ces existences fameuses touche les artistes de Metz ; ainsi Auguste Migette (1802-1884) admire dans le Galilée « le savant emprisonné, examinant les astres, la lumière de la Lune illuminant la scène et principalement sa tête, le lit sur lequel il est couché ». Sur le livre ouvert, on devine les noms de Copernic et de Galilée.

     L'oeuvre du mois d'août 2015
    Tête de Galilée,
    fusain sur papier marouflé sur toile, inv. 905.6.1 

    L'oeuvre du mois d'août 2015
    Galilée devant le tribunal de l'Inquisition, fusain, inv. 989.39

    Vers 1610, Galilée, partisan de Copernic depuis au moins vingt ans, enseigne pourtant à ses élèves la théorie de Ptolémée, couramment admise, selon laquelle la Terre se trouve au centre de neuf sphères concentriques portant les planètes et les étoiles. Il doit rester prudent face à l’Inquisition et à ses collègues. En février 1616, les propositions coperniciennes selon lesquelles le Soleil est le centre immobile du monde et la Terre se meut sont jugées hérétiques. En mars de la même année, l’ouvrage dans lequel Copernic expose ses théories est mis à l’Index et Galilée est prié de ne plus professer de telles hérésies. En 1632, Galilée est accusé d’avoir enfreint l’interdiction de 1616 de défendre les théories de Copernic dans son ouvrage Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde. Il est jugé coupable, par le tribunal de l’Inquisition, en juin 1633, doit abjurer ses erreurs et est assigné à résidence. Il s’installe alors dans sa maison de la banlieue de Florence et y demeure jusqu’à sa mort le 8 janvier 1642. Le Dialogue sera retiré de l’Index en 1757 et Galilée ne sera officiellement réhabilité qu’en 1992.

    Dans ce dessin sombre et monumental, conçu dans la maturité de Maréchal, c’est le portrait d’un homme auquel l’artiste, souvent isolé et incompris, s’identifie peut-être secrètement. C’est la vision édifiante d’un destin exemplaire, de la sérénité malgré la solitude et le dénuement. La tonalité de l’œuvre est grave et pessimiste et correspond bien au parti esthétique de l’école de Metz dont Maréchal est l’initiateur. L’effet de nuit permet toutes sortes d’audaces, de contrastes et de clairs-obscurs. Le trait assez fruste du fusain rend la scène encore plus secrète, plus mystérieuse.

     

    Texte : Jérôme Montchal in Le Trait et le portrait,
    Somogy éditions d’art / Ville de Bar-le-Duc, 2004.


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    Charles-Laurent MARÉCHAL,
    dit MARÉCHAL DE METZ
    (Metz, 1801 - Bar-le-Duc, 1886)


    Saint Jean au calvaire


    L'oeuvre du mois de juillet 2015

     

    Fusain sur papier, avant 1887
    41,4 x 35,7 cm

    Don de M. Bernard Collot, 2015


     


    Ce dessin au fusain représente saint Jean, levant les yeux vers le calvaire. Maréchal montre le saint comme un homme aux traits juvéniles, aux lèvres pleines et au regard douloureux. Son visage, à moitié dans l’ombre, est mis en valeur par la sombre chevelure qui tombe sur les épaules du personnage. La lumière le frappe depuis la gauche, illuminant son vêtement, aux plis à peine esquissés.


    Cette œuvre montre toute la virtuosité dont Charles-Laurent Maréchal fait preuve quand il travaille le fusain. Les ombres sont fondues avec délicatesse, les sentiments retranscrits avec vérité. Acquis en 2015, ce dessin vient compléter un fonds déjà important de fusains de l’artiste, exécutés dans le même style (série des Bohémiens, par exemple).


    L'oeuvre du mois de juillet 2015

    Au revers de ce mystique saint Jean, un énigmatique profil de jeune homme coiffé d'une toque ou d’un haut chapeau apparaît, accompagné d’une inscription : « Fusain de Maréchal de Metz / acheté à Madelle Jeanne Maréchal / par l'entremise de Made Utard / le 4 février 1930. / Ce fusain était dans l'atelier / de Maréchal parmi des / études. / "Saint Jean au calvaire" ».


    On peut émettre l’hypothèse que ce dessin est un travail préparatoire à un vitrail d’église ou à un panneau de chemin de croix.


    Charles-Laurent Maréchal, peintre, aquarelliste, pastelliste et peintre-verrier, chef de file de l’école de Metz, est installé à Bar-le-Duc de 1872 à sa mort. Par sa prolifique activité de maître-verrier, formateur de nombreux artistes locaux, membre actif de la Société du Musée où il a présidé la Commission Beaux-Arts, il a marqué la vie économique, sociale et culturelle de Bar-le-Duc à la fin du XIXe siècle.


    Plusieurs achats (1905, 1989, 2004), ainsi que d’importants dons et legs (1880, 1888, 1890, 1895, 1932, 1959, 1977, 1994, 1999, 2002), ont permis de garder de nombreux témoignages représentatifs de son œuvre au sein des collections de peintures, de vitraux et, plus encore, parmi les dessins du Musée barrois.


    La réserve d’arts graphiques du musée compte plus de 70 fusains sur papier (ou papiers marouflés sur toile) qui proviennent majoritairement du fonds d’atelier de Maréchal. Aussi la présente œuvre rejoint un ensemble de provenance initiale bien identifiée.


     


     

     

     

     


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